Boulet rouge par Michel TURK

Des nouvelles de Lorraine

Boulet rouge par Michel TURK

29 décembre 2023 Non classé 1

Je n’en ai pas tiré, je veux dire de boulet rouge, depuis le 3 novembre dernier et c’est sans doute le dernier qui sortira du fût du canon cette année. Mais il pourrait laisser des traces. Il pourrait causer des dommages collatéraux et en cette période de frénésie consumériste qui accompagne l’avènement du petit Jésus quelque part du côté de Bethléem dit-on, il vaut peut-être mieux rester taisant. Bethléem, distante à peine d’un tir de roquette de la bande de Gaza où il se passe des choses ces temps-ci. Joyeux Noël ! Et je n’échappe pas à cette hérésie qui consiste à envoyer de bons vœux au monde entier comme si Bethléem pouvait exister sans Gaza. Il est né le divin’ enfant chante-t-on en chœur. Et on y met du cœur.

Je change de sujet pour ne pas risquer m’enliser dans un bourbier dans cette région du monde pourtant tellement sèche que la mer elle-même s’est évaporée pour laisser place à une faille. Jésus, parlons-en. On dit qu’il a marché sur l’eau du lac de Tibériade tandis que Pierre canotait à côté de lui. Mais on s’est peut-être trompé, peut-être cela c’était-il passé à la mer morte où j’ai pu faire l’expérience qu’il est impossible de couler ! Pardonnez-moi cet intermède.

J’ai passé une bonne partie de ma vie à observer les hommes. Pas un voyeurisme malsain, simplement le boulot. Des hommes et des femmes bien entendu. Des gens qui étaient incarcérés, d’autres qui étaient dans la souffrance, d’autres emportés par la liesse vers un bonheur fragile qu’ils auraient voulu retenir plus longtemps, d’autres qui puaient tant ils étaient sales et puaient d’autant plus que c’est une image. J’ai souvenir de personnes talentueuses, artistes ou comédiens, même derrière les hauts murs de l’univers carcéral, j’en ai rencontrées. Mais j’ai en mémoire une foultitude de gens ordinaires, et finalement pas si ordinaires que ça. En prenant ma retraite, j’ai arrêté d’observer les hommes mais quand on a ce travers, on ne s’en débarrasse pas comme ça. Alors j’ai décidé d’observer les oiseaux, parce que depuis longtemps j’en trouvais quelques-uns très beaux. Et de les regarder, voler, voleter, jouer, se nourrir, se battre, se séduire, s’accoupler, élever leur progéniture, j’ai tiré une leçon. Une leçon de vie bien entendu. La vie, la vie éternelle, éternel recommencement qui nous laisse ébahi devant cette question bien métaphysique, d’où viens-je, qui suis-je ? J’ai beaucoup appris des oiseaux et pourtant je n’ai pas tout compris. Alors, comme devant une voûte céleste envahie par le scintillement de la voie lactée, je me contente de m’émerveiller de tant de beauté et me dis que comprendre n’est pas toujours l’essentiel. 

Une réponse

  1. Manette dit :

    Ah lala, comme j’aimerais pouvoir ne retenir que la dernière phrase de ce boulet rouge. Merci tout de même de l’avoir énoncée ça fait du bien à lire

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