On se reverra ?

Des nouvelles de Lorraine

On se reverra ?

27 mars 2023 Celle qui est en moi 1

Je t’offre ces quelques pas ; je les ai trouvés  dans la rue sous mes pieds et j’ai tout de suite pensé à toi. Tiens prends-les, c’est  cadeau.  J’ai mis un pied devant l’autre et les pas sont  demeurés là. Je n’ai pas pu les abandonner ni  les garder pour moi, ils étaient irréfutablement à  toi. Tu aimais tellement baguenauder dans les rues de la ville, tu voulais tout voir. Tu t’arrêtais sagement aux feux rouges, repartant d’un bon pas quand il verdissait à ton goût, tu t’arrêtais devant une vitrine, prenant la pause pour mieux l’étudier. Moi, ma spécialité c’était de continuer à avancer et à  parler toute seule puisque  tu étais quelques mètres derrière. Tu le faisais exprès, avoue, avoue ! Ton grand plaisir : aller boire un thé et manger un petit gâteau dans un salon tranquille. Tu t’armais quasiment toujours d’un parapluie : « je sens qu’il va pleuvoir ». Je crois que tu voulais dire : «  j’espère qu’il va pleuvoir » ; La pluie, bonne pour ta peau et censée faire friser tes cheveux  raides alors que c’était ma hantise. Nous nous ressemblions si peu. Tes yeux gris, tes cheveux lisses et ta peau si claire qui était une vraie provocation même pour un soleil lorrain, moi…, le moricaud de service.  Et, on pouvait te lâcher gare de l’est et te dire « rendez-vous au 125 bd Exelmans à 16 h et tu y étais, tu tenais de notre père. Moi, on peut me lâcher dans Lunéville et avec pour point de chute le château à midi, je serai en retard parce que je me tromperai de rue et qu’il faudra que je revienne sur mes pas ; je tiens ça de notre mère. Tu adorais la musique et jouais royalement du piano, moi je pratique le silence et je n’ai pas encore découvert un instrument qui trouve grâce à mes yeux. Après tout, nous n’avons que nos père et mère de commun, donc pourquoi aurions-nous été obligées de nous ressembler  je me le demande.

 Eh bien voilà, nous ne nous ressemblions pas mais nous nous entendions bien. Personne ne voulait jamais croire que nous étions … sœurs : « Pas possible », mais si c’est possible et je te demande un peu, ça ne regardait que nous. Même si j’étais née à 2000 kms de toi. Tu étais aussi soignée et méticuleuse que j’étais garçon manqué et bord….ique. Et pourtant nous nous entendions bien. C’est vrai que nous avions des souvenirs rien qu’à nous qui engendraient des ressentis rien qu’à nous qui me permettraient longtemps de me situer dans le temps et dans l’espace.

Tu vas voir comme la vie est bizarre : tu étais là quand je suis née, et j’étais là quand ta vie s’est brutalement arrêtée.

Mais on se reverra, dis, tu promets, on se reverra.

Une réponse

  1. Michel TURK dit :

    Eloge de la vie qui passe! Je m’incline.

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