Oui, c’est bien cela, je cherchais le nom, je l’avais sur le bout de la langue mais il ne me revenait pas : « Printemps », c’est le printemps. C’est tellement joli à dire, à rêver, à vivre. En ce temps-là, j’ai toujours un écho qui me revient à la mémoire, l’évocation d’un souvenir où le béni s’acoquina au maudit de la plus tendancieuse façon. Imaginons une vie nouvellement à la campagne, campagne lorraine bien entendu. Oh, j’en ai pratiqué d’autres, beaucoup d’autres : campagne vendéenne, bretonne, azuréenne, périgourdine, et même italienne, marocaine, allemande etc. mais nulle ne surpasse la campagne lorraine, croyez en mon expérience. Je vivais donc depuis peu à la campagne, de façon charmante chez papa-maman, j’étais jeune, un peu gourde et très vulnérable. Et j’adorais la campagne à tel point que je subissais un cruel débat envisageant une éventuelle réincarnation qui me faisait hésiter entre un ruisseau et un verger lorrains ; Un ruisseau, large, vif et pétillant sur fond sablonneux bordé de hautes marguerites, d’iris ou de frênes se baignant les pieds dans l’eau et un verger, mirabelliers, pommiers, cerisiers sur tapis vert parsemé de coucous, de pâquerettes, de saxifrages… Comment choisir ? Bref, le fond de l’histoire n’est pas là. A la sortie du village, un verger tel que décrit plus haut, enchanteur et enchantant pas très loin d’un ruisseau du même métal et où vivait dans une caravane une jeune femme seule et ses trois marmots. Pourquoi, comment, je l’ignore mais et là, je pointe un doigt sur mes capacités intellectuelles notablement douteuses, je l’enviais ; J’adorais l’utopique perspective de me réveiller le matin en plein verger, en face de ces trois sourires frais, épanouis et morveux nimbée du clapotis de l’eau et du gazouillis des oiseaux. Chaque fois que je passais par-là, je souriais d’un plaisir romantique et pourquoi pas – tant pis pour moi – romanesque. Cependant, une nuit, la caravane s’enflammât, on n’a jamais su pourquoi. Tous ses occupants y perdirent la vie. Je ne suis plus jamais passée par cette route on s’en doute. Nulle accusation ne pouvant être retenue contre le verger ou le ruisseau qui ont tout tenté pour éviter ce drame j’en suis certaine, je leur garde ma prédilection. J’y ajoute parfois la nébuleuse ouatée de trois petites âmes réjouies, folâtrant au fil de l’eau ou effleurant un pétale de mirabellier. Ce qui sera bien un jour mon devenir, je l’espère.