Un salon
Dans mon petit salon ne sont que fleurs, coussins, livres et portraits tous un peu fanés, décolorés, sans plus de vraie utilité ni fonction. Parfois, un peu de poussière les voile comme de la poudre de riz sur les joues plissées d’une jolie vieille dame. Son plus grand ministère est d’avoir été, d’être encore, et finalement d’être éventuellement là demain et d’apprécier le tout. Mon salon ne se réveille qu’en présence de jeunes présences vives et virevoltantes, bienheureusement désordonnantes et oh combien tendrement vivantes. L’hiver un feu de bois allume des ombres et des parfums changeants, l’été le chant des oiseaux ouvre les fenêtres au large. Ici et là, de vraies taches de couleurs pastellent le sérieux des meubles robustes faits pour durer. Les souvenirs s’y entassent qui disparaitront un jour dans mon sillage. Je me retrouverai alors en virtuel accrochée au mur ou posée sur une table ou rangée dans la bibliothèque. J’espère que plusieurs se disputeront et revendiqueront ma possession, ça serait un tel plaisir qu’ils veuillent absolument un rappel de moi quand je ne serai plus qu’une absence et que je demeure encore quelques temps une évocation, une étincelle évanescente et fugitive perchée en haut à gauche de leurs plus fulgurants et pourquoi pas, de leurs meilleurs souvenirs.