je le dis comme je le pense

Je suis crispée, crispée, tout crispée, totalement crispée par tous ces bruits que font certains. Je parle des bruits avec la bouche, des paroles quoi, quand ils éructent des mots sensés exprimer les divers actes de leurs passionnantes existences ; le plus souvent, c’est en claironnant dans leurs téléphones certainement pour l’édification de la masse qui les entoure et qui se doit d’absorber – subjuguée, les détails les plus intimes : La vox populi du vulgum pecus ! (ben oui, si je veux critiquer il faut tout de même que j’y mette du mien). Non, chacun vit sa vie, y tient, tourne autour ou dedans comme un écureuil encagé je le conçois très bien, je fais de même. Ce qui me gêne, c’est l’emploi – le non emploi en fait – de la moindre règle de grammaire, l’utilisation d’insultes comme virgule à chaque coin de phrase, les répétitions (qu’est-ce t’as toi, qu’est-ce t’as ?) pour pailler à la pauvreté du vocabulaire, la brutalité sous-jacente qui émane de ces logorrhées.
Ils ont descendu à la kalachnikov tout ce qui était conjugaison plus que j’eusse jamais osé l’imaginer, et comme ils n’ont plus ni mots ni temporalité, ils élèvent aussitôt le ton, et véhiculent la menace passant du fascisme (qu’ils ne savent pas orthographier) à l’homosexualité (qui leur fait tellement peur qu’on se demande s’il ne faut pas y voir un refoulement inquiet), à l’humiliation tellement blessante que l’on a du mal à s’en extirper. J’en extrais le plus souvent un sentiment … de peur, non pas seulement pour ma personne je mentirais en disant le contraire mais ils dégagent une aura d’enfumage (oh, c’est moche) qui flotte à leurs alentours comme s’ils « se pressaient de semer la terreur de crainte d’être obligés de devenir esclaves » et de cela, il ne peut rien sortir de bon.
Une réponse
Nous sommes malheureusement bien trop peu nombreux à le dire et même à le penser. L’ère du borborygme et de l’onomatopée est à son apogée et la communication actuelle me fait penser à la parabole de la tour de Babel. Bien entendu, on ne va pas pleurer du fait que Goldoni et Molière se retourneraient dans leur tombe en écoutant les conversations du quidam moyen à son mobile avec correcteur d’orthographe et cerveau intégré. Mais quand même, je prends deux alexandrins tirés du Misanthrope :
« … je hais tous les hommes
Les uns parce qu’ils sont méchants et malfaisants
Les autres, pour être aux méchants complaisants »
Et j’imagine mal Jean-Baptiste Poquelin être traduit par:
Je fuck(e) tous les keums et toutes les Meufs parce que beurk, ça m’gonfle » parce que ça manquerait singulièrement de substantifs.