Boulet Rouge de Michel Turk
Le temps est aussi maussade que mon moral, ce matin une jeune ophtalmologiste a trifouillé mon œil gauche à coups de laser pour essayer de le sauver. Du coup, la douleur passée, la mydriase revenant progressivement à l’état normal, je me suis senti obligé de bouger. Il ne pleut pas, ce qui est aujourd’hui assez remarquable pour le souligner, j’ai donc décidé de passer la tondeuse. Et voilà que je me marre comme une baleine en me disant que ce cher Jacques Prévert qui a bercé mon enfance de mots a bien vieilli, « les feuilles mortes se ramassent à la pelle », tu parles, moi c’est ma tondeuse à gazon qui les aspirent, mais peut-être les souvenirs aussi. Et puis des pelles ont en prend de plus en plus au propre comme au figuré. Frappé d’obsolescence le Jacques à la cigarette au coin des lèvres, non, alors là, pas du tout. Car le même a écrit les vers en prose qui suivent :
Ceux qui donnent des canons aux enfants
Ceux qui donnent des enfants aux canons
Ceux qui ont le pain quotidien relativement hebdomadaire
Ceux qui l’hiver se chauffent dans les églises
Ceux que le suisse envoie se chauffer dehors
Ceux qui flottent et ne sombrent pas
Et encore je ne fais pas l’inventaire de tout ce qui figure dans cette tentative de dîner de têtes.
Du coup, je ne me marre plus, je range ma tondeuse, et je cherche dans mes cahiers d’antan une de tes phrases qui m’avait particulièrement touché. Chance, la voici :
Le soleil ne brille pas pour ceux qui fabriquent dans les caves les stylos avec lesquels d’autres écriront en plein air que tout va pour le mieux
CQFD